@Ken Yokai

Sanadare avait filé au milieu de la nuit, à pas de chat. Peu importe sa tenue et l'absence d'assistance de sa nounou qui avait la vue, elle. Même à l'aveugle, l'Uchiha était parfaitement capable d'enfiler un manteau, un qui était long et qui lui tenait chaud, ce qui se tramait en dessous au final, qui s'en souciait ? Pas elle. La liberté de la solitude lui manquait parfois, on la laissait jamais vraiment livrer à elle-même. En mission on lui imposait toujours -TOUJOURS- un partenaire et cela même pour les plus basiques qu'on lui avait confié. Souvent l'abruti d’épéiste, ce qui ne pouvait que rendre l'affront encore pire. A la maison Moïra, sa protégée, la maternait à l'excès. Certes c'était arrangeant parfois une petite esclave gratuite, se disait la vilaine fille en s'éloignant de leur chez elles. Mais être seule était bien aussi. Des fois, elle avait besoin de se rappeler et se prouver à elle-même, faute de le prouver au monde, qu'elle était parfaitement capable. Surtout du pire. Une vérité qui était définitive.

Des heures durant, Sanadare avait marché, l'air frais et humide lui était agréable, c'était un climat dans lequel elle se sentait vivante, tant ses sens étaient sollicités. Le vent faisait chanter les feuillages de la forêt des abords du village caché et bientôt le bruit d'un ruissellement lui indiquait qu'elle était arrivé à bon port. En réalité, cette forêt, l'Uchiha ne l'avait jamais foulé, mais elle aimait se perdre dans ce genre d'endroit, à la fois accueillant pour l'esprit et hostile face au manque d'attention. C'était comme se parfaire un peu plus et jour ou nuit, ne faisait aucune différence pour elle, les ténèbres l'avaient embrassé et prise toute entière depuis longtemps. Parfois, elle se perdait à imaginer ce que serait sa vie si elle voyait à nouveau. Est-ce que cela la rendrait plus heureuse, est-ce que ça lui rendrait sa place du passé, changerait quelque chose à son avenir.

Elle s'accroupissait au sommet d'un gros rocher surplombant le cours d'eau, s'arrêtant aux derniers millimètres du bord, son esprit de défi en œuvre. Et c'était si proche de l'échec possible qu'elle se sentait le mieux, si la facilité de voir lui volait tous ces moments là, au final, elle était chanceuse de ne plus voir. Cela ne pardonnait pas les voleurs pour autant, qu'était une Uchiha sans ses yeux ? Rien de mieux, rien de plus et peut-être même pas tout court un vulgaire shinobi. Étiquette à laquelle la fille ne pouvait se résoudre et elle qui était une senso avertie et plus entraînée que de raison par sa condition, ne pouvait pas s'empêcher de saluer celle qu'elle venait déranger. Sa tête sans yeux se fixait vers la femme épéiste connue au village. Sanasare mieux que voir pouvait ressentir précisément une présence et son emplacement. Yokai était comme une ombre pour ses confrères et d'ailleurs, souvent, derrière le dos de l'Uchiha, elle avait entendu de mauvaise langue lui donner ce surnom. La question était alors, était-ce à cette kunoichi qu'ils faisaient référence ou bien à quelque chose de plus mythologique. Cherchons pour voir.

• Bon matin Yokai-sama. Tu es donc véritablement telle une ombre comme la légende urbaine le raconte, j'ai presque eu du mal à te trouver. Pas du tout en fait... Par contre, un point me taraude épéiste depuis longtemps, est-ce une insulte ou un compliment quand on murmure tout bas à mon passage, en désignant comme une yokai.

C'était plus un hasard curieux qu'un véritable lien entre le mot et son jeu associé, mais qu'importe, c'était une excuse suffisante pour l'approcher. Un sourire de toutes ses dents s'affichait sur son fascié déjà inquiétant, elle était partie sans son bandeau et si l'orifice de ses yeux était vide, ses paupières fonctionnaient quant à elles encore. L'uchiha ouvrait son regard vide et même temps que ses paupières laissant à la lueur encore lunaire qui filait au profit du jour, le néant de sa chair calcinée. Il était rare de la voir ainsi et ceux qui avait vu sa face en entière se comptaient sur les doigts d'une seule main désormais. Elle n'irait pas par quatre chemin.

• Je compte être de ceux qui un jour violeront les frontières Iwariennes, et tu es la mieux placée pour m'obtenir un ticket de ce que je sais. Elle faisait référence à son lien avec la Mizu... D'Uchiha je n'ai plus que le nom et ça ne sera pas suffisant.

Une étrange sérénité proche de la folie l'entourait, son regard vide semblait fixer un horizon, comme si elle pouvait le distinguer parfaitement. Sa main droite décrochait un shuriken brusquement de sa manche et des mètres plus loin un magnifique papillon de nuit se faisait faucher en plein vol puis cloué sur le tronc d'un arbre.

• Je ne suis pas aussi inutile qu'il n'y paraît. Nos mœurs sont similaires même si tu l'ignores encore, mais peut-être que la réputation qu'on te fait est mensongère. Dans ce cas ce serait toi qui me serait inutile.

Sur quoi, dans une position de méditation, elle offrait le silence imparfait du lieu, maintenant que son fauchage avait créé une légère agitation dans la faune jusqu'à lors si sereine.